27/02/2023

Le souvenir de ces bijoux disparus est assez pénible voire angoissant pour moi mais c’est un des seuls indices tangibles de la tentative d’effacement orchestrée par ma mère depuis mon enfance.
Je me souviens de ma médaille de baptême, je m’en souviens très précisément, je me souviens de la sensation du métal souple sous mes dents et de l’image de Marie priante que j’enfonçais à force de la mordiller. Je ne me souviens pas d’avoir porté ma gourmette, elle est cassée depuis longtemps, jamais réparée, je me souviens des lettres qui composent mon prénom en style anguleux, d’inspiration gothique.
Ce bijoux ont disparu, j’ai mis du temps à retrouver leur trace dans ma mémoire. J’ai demandé plusieurs fois à ma mère si elle savait où ils se trouvaient, elle a toujours trouvé une stratégie d’évitement pour ne pas me répondre.
Puis je me suis souvenue qu’à une époque, elle avait un coffre dans une banque, elle mettait tout au coffre dans une sorte de folie paranoïaque. Les bijoux de mon enfance dont elle était dépositaire, aussi.
J’ai fini par lui demander qu’elle aille les chercher au coffre pour me les rendre. Elle a fini par m’avouer avec une sorte de désinvolture malvenue les avoir fondu pour réparer un collier. Quand j’ai réagi elle a coupé court en m’expliquant tu ne les portais plus, ta médaille était toute mordue et ta gourmette était cassée.
Ça lui suffisait comme réponse.
C’est resté coincé en moi, toutes ces années, dans une sorte de latence oublieuse qui me permettait de flirter avec l’inacceptable.
En écrivant ce texte, le souvenir de ce cartouche en or, épais et solide, me revient. C’était une sorte de médaille longue sur laquelle figuraient les hiéroglyphes qui composent phonétiquement mon prénom. Mes parents me l’avaient rapporté d’Egypte au début de mon adolescence.
Mes grands parents nous avaient gardées, ma soeur et moi, à la maison. Je me souviens d’un dîner tous les quatre à table et de discussions joyeuses. Mon grand-père était fier de nos résultats scolaires.
Ma mère avait envoyé une carte postale.
Je me demande aujourd’hui si ce bijou aussi a fini dans le fermoir d’un de ses gros colliers en or.

Un jour, je racontais cette histoire de bijoux fondus à une amie, elle m’a interrompue et reprise ces bijoux volés.
Je ne sais pas quoi faire de ça.

bijoux, médaille, gourmette fondus

Crayon sur papier Canson – 21×29,7 cm